Mot-clé - Chère amie de l’an 3.000

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mardi 14 novembre 2017

time to love

Selon mon psychanalyste préféré, Jacques Lacan, je vous aime.

Vous n'existez pas encore, du moins selon nos connaissances scientifiques actuelles.

Mais peut-être existez-vous déjà dans un univers parallèle ?

Quoi qu'il en soit, Lacan est formel : je vous aime.

Car "On aime toujours ceux qui ont réponse à nos questions. D'où ce transfert massif sur l'analyste, supposé-savoir."

Je le cite approximativement, je suis certain de l'idée générale.

Mais si vous existez déjà dans un univers parallèle, si vous m'entendez, si vous pouvez me lire dès maintenant, dites-moi, comment être déjà aimé de vous ?

Quelles sont les questions que vous vous posez et qui restent sans réponse ?

Dans mille ans, y aura-t-il encore des questions non résolues ?

Sur l'amour aussi ?

Je vous love dans mes phrases les plus tendres.

dimanche 12 novembre 2017

apprendre à être perdu

Hier soir, je suis allé faire les courses du samedi ; sur ma liste, une bouteille de coca zéro.

J'ai vu "promotion gagnante" dans les rayons - cela prouve qu'il y a aussi des "promotions perdantes".

"Pour l'achat de deux bouteilles, la troisième est gratuite." Bon. Ok, j'ai pris une deuxième bouteille.

La caissière était une jeune fille magnifique, une Noire aux traits fins, beauté peuhle, turban rouge, rouge vif aux lèvres, couleurs tranchantes, sourire de perles.

Après avoir payé, en remplissant mon mini caddie bleu, je m'aperçois avoir oublié la troisième bouteille.

La caissière aurait dû l'enregistrer mais, petite moue, elle est d'accord pour que j'aille la chercher.

Je me trouve mesquin, je suis Madonna découpant des bons de réduction dans sa cuisine de plusieurs millions.

Soyons grand seigneur (peuhl), avec panache.

- Bah, tant pis, lui dis-je, mon caddie est plein. Vous le boirez vous.

Pas de réponse.

- Vous l'offrirez à quelqu'un d'autre !

Petit sourire forcé. Sans me regarder.

Mais pourquoi me regarderait-elle alors qu'elle est concentrée sur le client suivant, peut-être le trois centième de la journée ?

Je lui dis au revoir, je me retrouve (?) dans la nuit noire de l'heure d'hiver.

Panache, panache ! C'est idiot. Pour que ce soit vraiment du panache, il faut donner au moins cent euros.

Là, c'est juste de l'orgueil mal placé. Et un certain mépris de l'argent.

Ou une mise à distance des "promotions gagnantes". C'est un bon exercice pour apprendre à perdre.

C'est vrai, depuis notre naissance, on nous apprend à gagner, c'est la compétition permanente.

Plus grand, plus fort, plus vite, plus intelligent, plus plus... Et tout mesurer pour avoir des résultats indiscutables.

Pourquoi toute notre société, l'école, notre éducation sont-elles fondées sur la victoire et sur le gain ?

Alors que dès la naissance, nous ne cessons de perdre, perdre toujours plus, des gens, des objets, de parts de nous, physiques ou spirituelles.

Ce serait beaucoup plus simple, apaisant et moins coûteux écologiquement, de nous apprendre à perdre.

Au sein de nos tribus, ou entre elles, peut-être que ces combats permanents pour gagner nous stimulent, nous excitent et nous distraient davantage.

Les luttes pour gagner nous font oublier que nous sommes perdus, que nous sommes d'infimes grains d'espace et du temps.

Nous concentrer sur le poing du boxeur, le ballon de football, la dernière invective baveuse de Trump ou une bouteille de coca perdue éloignent notre esprit de l'effroi des espaces infinis.

Infimes dans l'infini.

En rentrant dans l'immeuble, je me suis aperçu avoir perdu mes clés.

Même mon inconscient voulait m'apprendre à perdre. Il était temps.

Mais je les ai retrouvées fichées dans la serrure de mon appartement.

Ma tribu invisible de voisins ne veut pas que je sois trop perdu, il était temps.

J'ai laissé une bouteille de coca, ils ont laissé mes clés.

Vous écrire me relie à un autre grain d'humanité.

mercredi 8 novembre 2017

écrire

Chère futurette,

Je ne vous ai pas écrit depuis une semaine, alors que je pense souvent à vous, oui, à vous, plusieurs fois par jour.

Vous n'existez pas et pourtant vous existez.

Depuis ma première lettre, depuis que je vous ai rencontrée, sur ce site en quelque sorte, j'ai déjà deux vies de plus : celle que je vous raconte et celle que je vous imagine.

Je pourrais vous écrire des pages et des pages tant j'aurais à vous dire sur cette époque fracassante que je traverse avec six milliards de gens.

J'essaie de me limiter.

Sans limites à l'écriture, on décourage.

Pourtant, Twitter, un système d'échanges publics sur internet de courts messages écrits, a doublé ce matin le nombre de caractères autorisés.

De 140, on est passé à 280 ; et certains analystes financiers y voient le signe du déclin, la fin prochaine et certaine de cette société "qui ne fait pas de bénéfices".

Aujourd'hui, tout ce qui ne fait pas de "bénéfices" est suspect.

Que faire avec ces bénéfices ?

D'autres bénéfices.

C'est ainsi que chaque jour, nous creusons l'immense déficit des ressources de la Terre.

Plus nous faisons de bénéfices monétaires, plus nous faisons de déficits naturels.

Mais bon, vous me lisez, c'est donc que l'espèce humaine a survécu.

A moins que vous ne soyiez une extra-terrestre ? Ou une robotte ?

J'aimerais tant vous connaître !

Philippe Jean

mardi 31 octobre 2017

Chère amie de l'an 3.000,

Première lettre.

Paris, le mardi 31 octobre 2017.


Chère amie du futur,


Cela fait quelque temps déjà que je songe à vous écrire.

Aujourd'hui, je me suis battu éreinté avec des "serveuses vocales" du SFP, Service Fédéral des Pensions de Belgique.

Ce sont des femmes enthousiastes et souriantes qui nous disent au bout du fil (= téléphone) (= visiophone sans image) que tout va bien ; et qui raccrochent.

Parfois, elles nous envoient sur un site internet (internet n'existe que depuis une vingtaine d'années) où l'on nous conseille de les appeler rapidement.

En effet, comme vous le savez sans doute, le 1 avril 2016, date spécialement choisie, le SdPSP, Service des Pensions du Secteur Public, et l'ONP, Office national des Pensions, ont fusionné pour devenir le SFP.

La vie moderne (hum...) est très difficile pour tous ceux qui ne sont pas ingénieurs en informatique, plus encore pour toutes celles qui ne sont pas ingénieuses.

A tout bientôt,

Philippe Jean.

PS

Si vous voyagez dans le temps, n'hésitez pas à venir boire le thé (boisson à base de plantes) (naturelles) (hé oui !).

J'habite à Paris qui, en cette année 2017 fort agitée, ne recouvre pas encore toute la France.