Hantes-Wihéries

La mère appelle la nuit. Une fois ou deux, trois, quatre fois. Elle a perdu sa petite croix. Ou elle ne retrouve plus une page de son livre. Celui qu'elle écrit depuis des années. Celui qui va nous sortir de là. Lame de fond.

La mère appelle faiblement. Jean, Jean. Il faut beaucoup de temps à Jean pour réaliser. Quelquefois, c'est Pierre qui l'appelle Jean ! Jean ! maman appelle.

Je me lève puis je m'éveille, tant j'ai sommeil. Je vais comme une machine. Mode somnanbule. Qu'est-ce qu'il y a maman ?

Elle grommelle, elle balbutie, elle attend les mots, elle les appelle, il ne viennent pas, alors elle n'a plus qu'un mot en mémoire qui vaudra bien tous les autres, un mot magique, Jean, Jean. Je suis le mot magique de ma mère.

Je me lève puis je m'éveille, une fois, quatre fois. Ça recommence toutes les nuits.

Je suis deux. Je suis ce somnambule vu par moi. Je suis celui qui vais comme dans un rêve et celui qui veille tout le temps. C'est encore confus, pardonnez-moi. Il faut que je clarifie tout cela, que je m'acharne à évider cette terre massive qui nous sépare de vous.

Ce qui a détruit ta vie, c'est l'histoire que tu n'as pas racontée, dit un auteur écossais qui eut une enfance misérable, mais qui ?