- Franchement, je m’ennuie.

- Ah bon, mon amour ?

- Oui, je m’ennuie.

- Même avec moi, mon amour ?

- Surtout avec toi !

- Veux-tu que nous fassions un échange, mon amour ?

- Un échange, quel échange ?

- Par exemple, toi, avec le mec de la cave voisine et moi, avec sa femme ! Ils ont l’air charmants. Je les ai aperçus par le croisement de périscopes. Et leur cave a l’air plus fraîche que la nôtre. Entre parenthèses, je ne comprends pas comment ça se fait, parce que le prix d’achat était le même. Bon, quoi qu’il en soit, c’est peut-être pour ça, en tous cas, qu’ils s’aventurent dehors, quelquefois.

- Ah bon, tu veux dire qu’ils accumulent plus de fraicheur corporelle et qu’ainsi, ils résistent mieux aux 60° extérieurs ?

- Oui, bien sûr. En tous cas, pour moi, peu importe la température, je suis chaud comme la braise…

- Toi, tu ne changeras jamais. Tous les prétextes sont bons.

- Prétexte ? Quel prétexte ?

- Le prétexte de la fin du monde !

- Mais ce n’est pas la fin du monde, voyons. Où vas-tu chercher ça ? En 2060, la terre en est encore à peine à sa puberté. Non, moi, je te dis que la fin du monde est derrière nous. Les guerres de religion, les guerres mondiales, tout ça, oui, c’était la fin du monde. Mais pas ce qu’on vit à l’heure actuelle. Ce n’est rien ça, c’est une bagatelle.

- Bagatelle, bagatelle ! Je te vois venir avec ta bagatelle ! Même si c’était vraiment la fin du monde, en plein cataclysme, tu serais encore capable de penser à ça !

- Mais, raison de plus, il faut repeupler, non ?

- Repeupler ? Franchement, ce n’est pas avec des gens comme toi qu’il faut repeupler.

- Ah bon, avec qui, alors ? Avec des gens comme toi, peut-être ?

- Pas des gens comme moi. Des femmes comme moi !

- Des femmes ? Et les hommes, alors ?!

- Justement, tu vas aller dans la cave voisine, mais avec monsieur. Parce que, moi, j’ai rendez-vous avec madame. J’ai ma petite idée et je pense que ça va l’intéresser. Et si j’ai un conseil à te donner, habitues-tu toi bien à la fraîcheur de leur cave. Parce qu’entre toi et moi, il va y avoir comme un grand froid !

© Nicole Desjardins