Soir d'été à la campagne.
Julie, dix ans, écrase un moustique aimant son bras.

- Papy, est-ce que les moustiques piquent aussi les savants qui étudient les moustiques ?

- Surtout eux sont piqués, les savants. Les moustiques les voient tout le temps. Normal, qu'ils les piquent. Normal non, ma jolie petite moustique à moi ? Normal !

- Je te pique alors puisque je suis ta moustique. Normal, non ?

- Et avec quoi ma jolie veut-elle me piquer ?

- Avec la pointe, la pointe jolie de mon compas joli va piquer le gros Papy.

- Oh la méchante qui veut piquer son gros Papy !

- Il n'a qu'à pas me traiter de moustique, le méchant Papy.

- Est ce que j'aurais vexé ma Julie ?

- ...

- Oh oui..

- ...

- Ne fais pas la tête… Excuse-moi… Excuse ton méchant Papy… Mais, tu sais… mon moustique était un moustique très affectueux…

- Alors si c'est affectueux, ça ne pique pas ?

- Ça ne devrait pas, en tout cas.

- Et si ça pique quand même ?

- Dans ce cas, deux solutions. Soit tu as une peau vraiment trop sensible aux piqûres, une peau si sensible qu'elle ne fait pas la différence entre une caresse et une piqûre…

- Ah si ! moi je fais la différence.

- Soit le moustique n'est pas vraiment affectueux… Ta peau le perçoit, et à raison, tu te sens piquée.

- Alors, il n'était pas vraiment affectueux…

- Quoi ?

- Ton moustique. Pas affectueux… pas affectueux du tout. Et même un peu... un peu... un peu au-dessus...

- Au-dessus ! Normal pour un moustique d'être au-dessus ! Non, ne te mets pas en colère... Quelle susceptibilité ! Excuse-moi. Je plaisantais... Ce n'était pas du tout au-dessus ! Alors maintenant, dis-moi… pourquoi "pas affectueux" ?

- Parce que… parce que j'ai été piquée. C'est clair, non ? Normal non, d'être piquée quand... quand on vous met en-dessous.

© Henri Gruvman

16 juillet 2020