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(habillons cette image comme il faut)

L’euro, ou la haine de la démocratie.

par Frédéric Lordon, 30 juin 2015 ; extrait.

(…) la Troïka ne demande pas qu’un objectif global, mais aussi la manière.

Il n’est pas suffisant que la Grèce s’impose une restriction supplé- mentaire de 1,7 point de PIB, il faut qu’elle la compose comme il faut.

Par exemple l’augmentation du taux d’imposition sur les sociétés de 26% à 29%, ainsi que la taxe exceptionnelle de 12% sur les profits supérieurs à 500 000 euros ont été refusées par la Troïka au motif qu’elles étaient… de nature à tuer la croissance ! – ou quand l’étrangleur déconseille à ses victimes le port du foulard.

En revanche la Troïka tient beaucoup à ce qu’on en finisse avec la petite allocation de solidarité servie sur les retraites les plus pauvres – le décile inférieur a perdu jusqu’à 86 % de revenu disponible de 2008 à 2012 (1) … c’est donc qu’il reste 14 bons pourcents : du gras !

Elle refuse la proposition grecque de taxer les jeux en ligne, mais demande la fin du subventionnement du diesel pour les agriculteurs – des nantis. Et tout à l’avenant.

Les institutions de la haine politique.

On pourrait se perdre à l’infini dans ces détails qui disent tous le délire idéologique additionné d’instincts sociaux meurtriers – au sens presque littéral du terme, car rompre avec le fléau du gouvernement par abstractions macroéconomiques demande de prendre connaissance du tableau des conditions concrètes d’existence de la population grecque à l’époque de l’austérité, entre baisse de l’espérance de vie, explosion du taux de suicide, effondrement de la qualité des soins, etc (2).

On pourrait dire tout ça, donc, mais on n’aurait pas dit l’essentiel, qui tient à une forme de haine politique, comme il y avait jadis des haines religieuses, mais, fait inédit, une haine politique institutionnelle, une haine portée par des institutions.

Depuis le premier jour, les institutions européennes n’ont pas eu d’autre projet que de faire mordre la poussière au gouvernement Syriza, d’en faire, par un châtiment exemplaire, une leçon à méditer par tous les autres pays qui pourraient avoir à l’idée eux aussi de ne pas plier (…)

©lic texte complet > http://www.les-crises.fr/leuro-ou-l...

Notes

(1) Philippe Légé, « Ne laissons pas l’Europe écrire sa tragédie grecque », Note des Economistes Atterrés, 30 avril 2015.

(2) Sanjay Basu et David Stuckler, « Quand l’austérité tue », Le Monde diplomatique, octobre 2014.