Yawning kinkajou

* Où l'on découvre que lire ce texte à voix haute chaque jour en l'hurlant dans un lieu public (square, restaurant, autobus...) est un excellent moyen d'améliorer très rapidement sa diction, mais aussi son instruction et sa popularité.

* Où l'on regrette la mauvaise foi et les basses ruses des MicMacs pour foutre le micmac dans La Science.

* Où, même en hurlant en public, l'on reste concentré pour traquer sans pitié les erreurs scientifiques et pour nous les signaler sans hésitation, pour publication immédiate sur ce site.

* Où l'on se réjouit, béat et humide, pour toute l'humanité, de la voir ainsi progresser lentement mais sûrement : "Si le rapprochement opéré par les explorateurs, le père Arsène ou ses successeurs, avec cet autre carnivore qu'est le carcajou s'avèrera plus exacte, l'animal était perçu par les Tupis Emerillons et Oyampis comme une espèce de singe25, quiproquo rémanent26."

Terminologie et étymologie : un animal énigmatique[modifier | modifier le wikicode]

Au Mexique, son nom de martucha rappelle son rapprochement erroné avec la martre. Il est plus fréquent du Chiapas où il est appelé mico de noche (« singe de nuit ») jusqu'à la Guyane, où il est connu sous le nom de senj lan nuit2. En Colombie et au Venezuela, il est nommé cuchicuch, dans l'Amazonie pré-andinetchochna3,4, et dans l'Amazonie brésilienne juparajurupara ou macaco da meia noite (macaque de minuit)5 ou encore macaco da noitemico da noite6. Au Guatemala, au Honduras, au Salvador, il est surnommé micoleon (singe-lion), mono noturno7 (singe nocturne) au Costa Rica, et au Belize nightwalker (promeneur nocturne).

Kinkajou est l'orthographe anglaisenote 1 de quincajou, emprunt des coureurs des bois à l'algonquin qui nqua'a ghe8, prononcé par palatalisation qui nqua'a dju en micmac et par rhotacismenote 2 qa rqar dju9 en montagnais, pour désigner le carcajou. Les noms de quincajou, employé par Nicholas Denys10 qui habitait chez les Micmacs en Acadie, et de carcajou, introduit par le baron de la Hontan11et diffusé par le père Charlevoix12 qui fréquentèrent les Montagnais au Canada (i.e. Québec), ont désigné ce même et seul glouton des Amériques, tout en laissant croire, du moins en France métropolitaine, qu'il peuplait également les forêts tropicales, depuis au moins13167210 jusqu'en 177614, date à laquelle Buffon comprend que l'animal de Nouvelle-Espagne est différent de celui de Nouvelle-France15et lève définitivement l’ambiguïté en imposant arbitrairement deux significations différentes aux deux prononciations dialectales différentes de l'algonquien.

Cette ambiguïté aura duré plus d'un siècle, auprès du grand public jusque durant le xixe siècle16, fortifiée par la croyance aristotélicienne des missionnaires de l'époque en une langue universelle17 que les « Sauvages » dispersés loin des premiers évangélisateurs auraient déforméenote 3. Elle est probablement due au père Arsène de Paris, qui participa de juillet 1611 à fin 1612 à l'expédition scientifique au Maragnan18, visitant les villages des Topinambas sur le continent sud-américain, apprenant la langue19 et observant avec ses collègues missionnaires les kinkajous20 que les habitants appelaient joupara, prononcé « iupala i » en oyampi2. Il dirigera par la suite, de 1632 à1645, depuis le siège de Port-Royal la province de son ordre en Nouvelle-France. Durant son ministère en Acadie, il fit faire imprimer en France par le père Joseph des manuels élémentaires dans la langue des Micmacs et des Abénaquis et a donc eu l'occasion de faire parler d'un autre étrange animal, habitant tout comme le joupara le fin fond de la forêt et nommé quincajou par les Micmacs. La diffusion de cette confusion initiale, quel qu'en soit l'auteur, sous un même taxon, d'un animal de la taïga canadienne et d'un autre de la jungle guyanaise, a vraisemblablement été favorisée par le trafic des commerçants de Saint-Domingue naviguant entre la Nouvelle-France et la France équinoxiale21.

Les concurrents anglo-hollandais, marchands, flibustiers et pirates de Jamaïque trafiquant entre la Guinée et le Honduras britannique, la Guyane anglaise, le Pernambouc et les rives de la Nouvelle-Espagne ont entretenu une confusion transcontinentale semblable en appelant le « macoco » d'Amérique du nom du Potto. Ce nom diffusé en 1705 par la traduction du livre22 qu'a publié l'année précédente, deux ans après son retour, le représentant à Elmina de la Compagnie néerlandaise des Indes occidentalesGuillaume Bosman, y désigne ce seullémurien d'Afrique [Informations douteuses] [réf. nécessaire]. C'est un emprunt à une langue guinéenne23, vraisemblablement la langue du Kongo où le potto est endémique, langue qui avait déjà une très grande diffusion y compris aux Amériques, l'Angola étant alors le principal pourvoyeur d'esclaves. Poto signifie en effet « beau », « merveilleux », en kikongo24 et il est plausible que Bosman ait pris pour un substantif un commentaire désignant l'un des animaux vendus sur le marché de Macoco, ville du Kongo située au sud est de la capitale de ce royaume et à l'est d'une des forêts habitées de singes où le perodicticus potto était endémique. Celui-ci l'est toujours dans les forêts plus profondes du Kivu.

Si le rapprochement opéré par les explorateurs, le père Arsène ou ses successeurs, avec cet autre carnivore qu'est le carcajou s'avèrera plus exacte, l'animal était perçu par les Tupis Emerillons et Oyampis comme une espèce de singe25, quiproquo rémanent26.

Classification : errements des naturalistes et épreuve d'un paradigme[modifier | modifier le wikicode]

Pierre Martyr de Milan, qui a consigné le résultat de ses longs entretiens en privé avec Christophe Colomb, des rapports que le fils de celui-ci, dont il avait été le précepteur, fit des récits de son père et de ses propres enquêtes auprès des équipages, est le premier savant à mentionner, à propos de la découverte de la côte méseoaméricaine entre le pays maya27 et leVéragua, un animal à queue préhensile28, qui était donc connu des marins dès 1503, des humanistes depuis au moins 1516 et des honnêtes hommes à partir de 1532, mais il s'agit d'un singe diurne, probablement un singe araignée.

* R.P. Abbeville : un singe.

La première description29 du kinkajou, tout juste une mention parmi les sapajoustamarins et sagouinscitations 1, est faite en 1614 sous son nom tupinamba de joupara par le pèreClaude d'Abbeville, un des missionnaires de l'expédition organisée trois générations plus tard par Catherine de Médicis pour coloniser le Maragnan. Le kinkajou y est classé parmi les singes30. Les quatre puis neuf moines de l'éphémère colonie de l'île Sainte-Anne donneront un catalogue abondant et précis des animaux et des plantes et laisseront son surnom desinge capucin au sapajou qui habite le jour dans les arbres où dorment les kinkajous.

* Pennant : un lémurien compris comme une espèce de singe.

La seconde description31, sommairecitations 2, du kinkajou est publiée par Thomas Pennant32 en 1771 sous le nom de « yellow maucauco »note 4. C'est celle d'un animal qui lui a été présenté en 1769 à Londres sous le nom qui lui restera de « potto » que lui donnait les marchands de Jamaïque (Cf. étymologie supra.) d'où le propriétaire le croyait originaire. Le naturaliste est apparemment mieux renseigné pour préciser son origine, le Suriname, supposer sa large diffusion au Brésil, puisqu'il lui donne le nom portugais de « macoco » prononcé à la créole, et le distinguer explicitement du carcajou33, qu'il connaît sous le nom de kinkajou par la description qu'en a publié Buffon en 176434.

* Schreber : un lémurien distingué des singes.

Cette description de Pennant est reprise35 abrégée en 1774 par son jeune collègue à l'Académie royale de Suède, l'élève de Linné Johann von Schreber qui, ne l'ayant jamais observé lui-même, le confond avec le « lemur mongoz »31. À cause de cette ressemblance avec les lémuriens, il le classe dans la catégorie des primatesnote 5 inventée seize ans plus tôt. Paradoxalement, il adopte, en dépit de cette confusion avec le « lemur mongoz », le qualificatif de flavus qui traduit le yellow inventé par Pennant et, peut-être eu égard à son origine différente, lui donne le nom spécifique de Lemur flavus, c'est-à-dire lémure blond.

* Buffon : un viverridé.

Quelques mois auparavant, en 1773, à l'occasion de l'édition de corrections et addendas aux Quadrupèdes de son Histoire naturelleBuffon observe dans une ménagerie foraine installée à Saint-Germain-en-Laye un animal présenté comme une « belette mexicaine »36 inconnue37 et dont il retrouve un exemplaire trois ans plus tard, en 1776, chez un particulier qui le prenait pour un agouti ou un coati. C'est Buffon lui-même qui dans la description très complète qu'il publie38 la même année le baptise kinkajou tout en y distinguant une espèce différente, originaire de Nouvelle-Espagne, de son homonyme canadien39 auquel il réserve désormais le nom de carcajou40. Il indique son nom de potonote 6 qui l'apparente aux lémuriens mais le rapproche des viverridés41, fantaisie confortée par Gmelin, lequel invente en 1789 le taxon de Viverra caudivolvula42, c'est-à-dire à « queue préhensile », pour désigner le même animal, et qui sera soutenue par certains jusqu'en 1943.

* Schreber derechef: un mammifère inclassable.

La publication de Buffon en 1776 oblige dès 1777 Schreber à une réédition31 dans laquelle il déclasse le kinkajou des lémuriens. Ne pouvant le classer ailleurs, il invente pour le désigner le pléonasme qui connaitra un certain succès grâce à Illiger43 de Cercoleptes caudivolvulus31, c'est-à-dire par redondance du grec et du latin « à queue (κερκοσ,caudia) prenante (λεπτικοσ, volvulus) », à côté de Potos caudivolvulus31 où il reprend l'orthographe de Buffon pour « potto ».

* Cuvier & Geoffroy : un plantigrade d'un genre à part.

En 179544Cuvier, l'élève de l'encyclopédiste Daubenton à l'École normale installée au Muséum national d'histoire naturelle, et l'évolutionniste Geoffroy Saint-Hilaire inventent une nouvelle nomenclature basée sur l'anatomie comparée où le kinkajou se range dans un genre ad hoc distinct des viverridés45, les potos. Leur argument est que c'est un plantigrade, c'est-à-dire que le pouce des membres inférieurs ne peut pas servir à saisir46 comme c'est le cas chez les lémuriens « quadrumanes »47. Cette nouvelle classe des plantigrade sincluant le kinkajou et alors séparée des carnivores proprement dit48, au sens de carnassiers, sera précisé49 en 1806 par le collaborateur de CuvierConstant Duméril. Ce n'est cependant qu'en 1824, dans son Histoire naturelle des mammifères, avec des figures originales coloriées, dessinées d’après les animaux vivants que Geoffroy impose ce point de vue31, grâce aux études comparatives qu'il a pu mener sur les collections brésiliennes50note 7 accaparées en mars 1808 par le général Junot au Portugal, et renomme le kinkajou Potos flavus.

© photo Robrrb, texte wikipedia - sauf le chapo duchmolliste.

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